Reinhardt/Jardin: les visages des bourreaux alençonnais

Richard Reinhardt, chef de la Gestapo d’Alençon
Bernard Jardin, français, l’homme qui a pourchassé les résistants d’Alençon pour Reinhardt

La Gestapo d’Alençon, située à l’hôtel du Grand Cerf, actuel 19 rue Saint-Blaise et 01 rue des Marcherie à Alençon, était l’épicentre de la répression. Le rôle de la Gestapo est en effet l’élimination de toute force opposée à celle qu’exerçait l’Allemagne en France

Jusqu’au début de 1944, la Gestapo à Alençon est dirigée par le Dr Harold Heinz qui exerçait à l’origine ses talents à Cherbourg. En mars Heinz est muté à Caen et Richard Reinhardt le remplace. C’est donc Reinhardt que les résistants de l’Orne ne connaîtront que sous le surnom de « Hildebrand« , qui prend la main de la Gestapo alençonnaise.

Les pseudonymes

On note qu’à partir de novembre 1943, les responsables des services de police allemands s’affublent de pseudonymes ; on a laissé entendre que c’était un subterfuge pour tromper la Résistance, en réalité il semble bien que, sentant le vent tourner et peu désireux de rendre un jour des comptes sur les exactions de leurs officines, ils aient tenté de se voiler d’un certain anonymat. Reinhard à Alençon se fera appeler « Hildebrand » mais aussi « Lebrun » et « Lefèvre ». Heinz, précité, préférera le surnom de « Bernard ».

Bernard Jardin

C’est sous le commandement de Bernard Reinhardt qu’ont été arrêté un bon nombre de résistants. Cependant, il n’exerce pas ses enquêtes seul, et il ne va que très rarement sur le terrain. En réalité, c’est d’autres hommes, principalement des français, qui exerçaient la répression. Le plus connu de ses mercenaires est Bernard Jardin. Ce nom est gravé dans les mémoires des alençonnais comme celui qui a trahi, celui qui a assassiné nombres de résistants de la région, connu pour une cruauté sans failles.

Bernard Jardin est né le 16 août 1920. Dans sa jeunesse, il fut ouvrier boucher, et a aussi été condamné par la Gestapo pour trafic de viande. Puis, après avoir combattu volontairement aussi bien la France Libre que les anglais en Syrie, à Beyrouth, Alep, Damas, au Liban ou encore en Indochine, il refait son apparition à Alençon en janvier 1942, décoré de la croix de guerre. A ce moment, l’hôtel que sa mère tient est occupé par des allemands, le jeune homme les côtoie donc souvent. Il confiera plus tard les avoir beaucoup appréciés, c’est pourquoi il a rapidement adhéré au MSR (Mouvement Social Révolutionnaire, parti d’inspiration fasciste) et au PPF (Parti populaire français, parti collaborationniste). Il se met également à lire Doriot, Mussolini, Hitler et aussi Karl Marx et à rejeter les valeurs républicaines.

Sa collaboration avec la Gestapo

Elle commence en avril 1944 seulement.

Alors que Bernard Jardin travaille au service de main d’oeuvre pour le compte des allemands, une femme de ménage trouve des titres de rationnements frauduleusement obtenus à Paris. Le jeune homme est donc incarcéré. C’est en prison qu’il rencontre Richard Reinhardt, le chef de la Gestapo.

Reinhardt remarque rapidement de nombreuses qualités physiques et psychologiques chez Jardin: du sang froid, un caractère volontaire, énergique et vénal. Bernard Jardin était aussi en position de faiblesse puisqu’il était emprisonné. Pour les nazis il s’agissait d’une personne souple et malléable. C’est pourquoi Reinhardt lui propose un marché: il oubliera les petits délits de Jardin si celui-ci se met au service des Allemands. Jardin se soumet donc. Il devient le bras droit de Hildebrandt, au service de la Gestapo pour un salaire de 9000 francs mensuel, deux mois avant le débarquement allié.

Sa lutte contre les résistants avec la « bande à Jardin »

Bernard Jardin a donc largement participé à la traque des résistants, et en a menés énormément vers la déportation. 110 ornais en tout ont subi des violences à cause de lui ou de sa bande qu’on appelait “La bande à Jardin”. Jardin a lui même exécuté sept résistants et une soixantaine avec sa bande.

Cette bande était composée d’une dizaine de tueurs: Lotti, les deux Perrin, Bogdanoff, Lemaître, Berteaux, Fillâtre, Roger Neveu, Eugène Duri et quelques autres. Roger Neveu a d’ailleurs été recruté de la même manière que Jardin, à cause d’un vol de clous à Damigny.

Cette bande réside au château de Condé sur Sarthe, le château de Verveine. C’est là que Jardin et ses mercenaires mènent leurs enquêtes avec minutie. Dans l’entourage de Jardin on compte aussi Roger Griveau, son garde du corps, une ancienne recrue de la Luftwaffe, déserteur. Tous ont participé aux différentes répressions qui ont eu lieu à Alençon.

Bernard Jardin et sa bande ont donc désamorcé un grand nombre de maquis, tel le maquis d’Athis, de Silly en Gouffern, du Bois d’Eveque, de Tanville, d’Ecouves, de Lignières la Doucelle, de Saint Aignan sur Sarthe…

Le groupe a notamment arrêté Daniel Desmeulles, Robert Abin, deux hommes piliers de la résistance ornaise. Cependant, il traquera Mazeline pendant plusieurs années, sans jamais mettre la main sur lui.

Mais Bernard Jardin et sa bande n’étaient pas les seuls à participer aux différentes répressions d’Alençon: beaucoup d’Alençonnais ont été dénoncés par des amis, des voisins, des propriétaires. C’est le cas des soeurs WALDHORN ou de Henri BARBIER.

On ne connais malheureusement pas les noms des dénonciateurs, mais nous savons que Bernard Jardin utilisait des manières peu scrupuleuses afin d’obtenir des informations, comme par exemple promettre à une jeune femme le retour de son mari requis si elle l’aide à dénoncer un maquis.

Situation de Jardin après la Libération

A la Libération, Bernard Jardin décide de fuir la France dans les soutes de l’armée allemande. Il sera finalement arrêté à Merano en Italie, et ramené à Alençon pour y être fusillé. Les yeux bandés, le jour de sa condamnation, Bernard Jardin crie « Vive le socialisme, et vive la France quand même ! » avant d’être finalement fusillé le 17 août 1946. Il avait 26 ans.

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